« Pendant des siècles, le Domaine m'a perçu comme l'héritier naturel des Lathyolas mais la vérité est tout autre. Je n'ai ni les épaules, ni la détermination pour mener ma famille vers de meilleurs jours. Je suis une erreur, le fils accidentel d'un père bien trop puissant et froid. Vous avez pu rencontrer Eskarialth et vous savez donc ce dont je parle.
Il a toujours été un modèle pour moi, un modèle effrayant. La flamme de ses convictions s'agitait plus violemment que celle de n'importe quel autre elfe et jamais il ne semblait montrer la moindre faille. Il a toujours cru que nous étions une famille supérieure même parmi notre race, une famille destinée à gouverner à nouveau et mener le Domaine vers une nouvelle ère de puissance. Il était admiré de tous, même de ses ennemis et les A'thura et Oröme avaient finis par voir en lui un meneur naturel, celui qui rendrait aux anciennes familles ce que le conseil leur avait pris.
Malheureusement, il a toujours eu la main trop lourde et le cœur trop léger envers moi. Il s'est rapidement convaincu que je n'avais pas l'étoffe pour lui succéder. A quoi pouvait bien servir un fils de Lathyolas si il était incapable de se hisser au dessus du monde ? Quel était donc cet enfant qui se contentait d'être juste bon et non d'exceller dans les arts magiques ?
Et puis, subitement, il a disparu. Il n'a laissé aucune instruction, aucune note si ce n'est de vagues recherches sur les faes dans son manoir. C'est a ce moment que j'ai cessé d'être un enfant en formation et que tout les regards se sont tournés vers moi. Ses suivants exigeaient tous que je sois son digne successeur du jour au lendemain, que je les mène vers une victoire utopique.
J'ai fais de mon mieux. J'ai gardé la face au milieu même de tout ces visages qui m'effrayaient. J'ai épousé cette femme que je n'aimais pas car on me louait sa vertu et son ambition. J'ai appris à me servir du peu de ce que mon père m'avait enseigné et à camoufler mes maladresses derrière les artifices de la société.
A chaque fois que l'on vantait mes mérites lors d'une réception, une pointe de fierté perçait dans mon cœur suivie d'une peur singulière. Je craignais que l'on découvre que je n'étais pas digne de louanges et que si j'étais ici, ce n'était pas grâce à un quelconque talent mais par mon sang et une grande dose de hasard.
Ils ne devaient pas découvrir quel imbécile et faible j'étais. Je devais porter l'honneur familial et les chimères de mes alliés jusqu'au bout.
Ensuite vint le miracle, ou la damnation, c'est selon le point de vue. Quelqu'un surgit et me fit ouvrir les yeux sur ce vaste monde. Il existait une alternative, une autre voie dans laquelle je pouvais retirer le masque de mon père et m'extraire de ses contraintes. C'était contraire à tout ce que l'on devait attendre de ma position mais tel un papillon attiré par la flamme, je n'ai pu retenir mon instinct.
Aujourd'hui encore je ne saurai dire si j'ai agi en tant que nouveau né impulsif ou en tant qu'être libre et vivant. J'ai aimé cette humaine réfugiée, je l'ai protégé de la justice de mon peuple et j'ai accepté l'union de notre chair. J'étais à la fois Emeldir Lathyolas, héritier des traditions et de la noblesse elfique et un être amoral qui avait violé toutes les lois pour laisser fleurir son amour égoïste. Je n'ai plus jamais cessé ce double jeu et il m'a fallu garder le profil même lors du flétrissement et de la mort de celle que jamais.
J'ai persisté dans cette voie, dans ces deux vies. J'ai gardé notre fille auprès de moi en dépit de toutes les implications et je l'ai défendu même quand mon épouse légitime a pu la découvrir. Je ne peux nier avoir vu la colère et la souffrance dans son regard à ce moment. J'ai du alors réaliser que notre union de circonstance devait dépasser le simple intérêt politique pour elle.
Le dernier tremblement, c'était vous. Je vous remercie d'avoir stoppé mes petites manipulations et de m'avoir libéré d'un fantôme paternel écrasant.
J'ai toujours su que celle qui se voyait devenir la future Reine n'a jamais véritablement chéri le Domaine. Entre l'amour du pouvoir et l'amour de son peuple, elle avait choisi depuis longtemps. Cela rendait encore plus étrange le fait qu'elle pouvait m'aimer d'une manière ou d'une autre.
Concernant mon père, mon seul regret aura été de ne pas avoir pu le surpasser moi même. A présent, je sais au moins qu'il n'est pas infaillible et que ses convictions peuvent mener a des extrêmes effrayants. N'est-il pas allé jusqu'à s'allier a ce Dieu du carnage, cette entitée assoiffée de destruction et de guerre ?
La mort de ma fille est forcément la plus lourde à porter et je me suis senti retiré une grande part de ce qui faisait de moi un être vivant. Ce n'était pas de votre faute mais il faudra encore un certain temps avant que je ne me sente libérée et que je ne retrouve goût à cette vie.
J'écris tout cela car je veux que quelqu'un sache la vérité et je suis convaincu que le Domaine elfique ne saurait le comprendre. Vous êtes un groupe d'elfes, de demi-elfes et d'humains ce qui constitue en soi l'incarnation vivante d'un de mes rêves. Au delà, vous n'avez exercé aucun moyen de pression sur moi alors que vous disposiez des informations nécessaires. Je pense donc que je peux vous accorder plus de confiance qu'a n'importe quel membre de ma famille.
J'ose espérer que vous saurez vous frayer un chemin afin de survivre à cette guerre imminente et que peut être même, vous en viendrez à inspirer d'autres elfes. Puis-je même vous suggérer de vous servir du banquet imminent afin de prononcer un discours ?
Suite à la chute du faux-Dieu, vous n'aurez aucun mal à vous attirez plus de sympathie que par le passé. A l'aube du guerre, nous avons besoin de modèles capables d'abattre de sanglantes divinités et d'insuffler une nouvelle vie a nos traditions. Si vous maîtrisez bien vos mots, le vent tournera à votre avantage. C'est ainsi que la politique marche au Domaine.
Vous devriez cependant vous méfier car vous n'êtes pas baignés des subtilités de notre système politique et je soupçonne un certain nombre de personne d'oeuvrer pour votre perte. Non seulement certains membres du Conseil comme vous pouvez-vous en douter mais également quelques courants influents des maisons d'arts. J'ai moi même un certain mal à canaliser la méfiance que les anciennes familles éprouvent à votre égard et j'ai la sensation que les Ôrome sont prêts à profiter de la guerre pour protéger le Domaine elfique d'une manière...très particulière.
Mes réseaux d'influences ont pu remonter un peu plus vers les origines de l'Aube et il est peu probable qu'elle soit entièrement dissoute. Elle a même quelques membres dans l'administration ou les maisons d'arts.
Il se peut que rien ne se trame de concret car nous les elfes excellons dans la passivité mais gardez un œil ouvert lors des jours à venir et sachez faire preuve de subtilité si vous en venez à agir.
Je me vois également forcé de vous informer que les anciennes familles seront prêtes à vous soutenir si vous voulez renverser le conseil. Beaucoup d'entre eux n'attendent que cela depuis des siècles. Il suffit de me répondre afin que j'organise une rencontre discrète. Ils exigeront bien sûr d'avoir une fonction dans la nouvelle politique et sont pourvus d'une bonne dose d'arrogance. Cependant, c'est sous leur influence que le Domaine a connu ses plus grandes heures et ils accepteront la guerre bien plus que le Conseil.
Il vous est également possible de recevoir le soutien de la Trinité afin d'agir dans ce sens mais depuis les événements récents, j'ai tendance à me méfier des Dieux, particulièrement celles qui seraient de la même origine de Carnage. Vous pouvez confiez le domaine des elfes aux elfes, ou alors a des entités qui se cachent dans l'obscurité et se font appeler Dieux.
Certes, je plaide pour ceux qui m'entourent et c'est ici ma lourde tâche mais je le pense sincèrement. A vous de jouer, jeunes héros.
Emeldir Lathyolas.
Sujet: Lettre d'Emeldir aux personnages. 
Sam 31 Aoû - 3:10
