Note : Ani'dri = Frère/Soeur. Avant 5 ans, les éternels n'ont ni nom, ni sexe.
Ils venaient de tuer un nouveau traqueur. Cela devait être le troisième depuis que la chasse avait été déclaré. Il s'était acharné sur le cadavre avec une colère qu'il avait depuis longtemps scellé. Toute sa frustration, toutes ses pulsions contenues s'étaient déchaînés sur ce qui ne ressemblait désormais plus à aucun Eternel connu.
Ensuite, ils s'étaient allongés sur l'herbe ensanglantée, le regard vers les cieux. Le sien dardait de colère les cités volantes qui avaient jurés leurs morts. Cependant, celui de son Ani'dri semblait porter au delà, comme perçant les nuages afin de se saisir d'une vérité plus lointaine.
« Nous avons des cités volantes mais j'aimerais voler par moi même. Tu sais, avec des ailes comme le font les oiseaux et s'élever encore plus haut que tout ce que nous avons bâti. De cette manière, je me sentirai enfin libre.»
« Tu veux devenir un résilian ? Les éternels sont bien plus puissants, nous n'en avons pas besoin. Nous avons notre magie pour aller aussi haut si le cœur nous en dit. Nous n'avons pas de limites.»
« Et pourtant nous ne sommes pas libres. Quel curieuse créature détient autant de pouvoir tout en se sentant toujours enchaîné ? Si j'avais des ailes, je pourrais protéger la terre d'en haut et veiller à ce qu'elle cesse de crier»
« Tu es aussi fou que moi. La terre ne crie pas. La terre est juste le sol que nous foulons, elle subit simplement nos empreintes.»
« Non, Ani'dri...j’entends. La terre crie, elle pleure même. Des larmes de sang ne cessent de s'écouler car ses enfants s’entre-tuent et se haïssent. Je ne parviens plus à fermer l’œil de la nuit, je me sens aussi vidée qu'un Ashura devant l'écho de cette douleur.»
« Humpf. Si cela n'est pas juste dans ton esprit, ne faudrait-il pas achever la terre afin qu'elle cesse ses vociférations ?»
« Je ne crois pas que ce soit la solution...non...je crois que si les eternels disparaissaient, alors elle cessera de crier»
« Si les autres éternels disparaissaient, nous ne serions plus traqués. Nous n'aurions plus à subir leurs normes et leurs directions. C'est peut être cela, la liberté dont tu parlais. Je n'ai aucune intention à participer a ce qu'ils nomment la fierté de leur race. Ils sont devenus nos ennemis au moment précis où ils ont décidés que notre comportement était indésirable.»
« Bientôt les autres nous trouveront et nous exécuteront. Toi, pour tes pulsions et tes considérations. Moi, pour ce que je ressens. Nous sommes les mauvaises herbes, ceux qui ne peuvent qu'entacher leurs gloires. Ceci dit...ils ont un tel acharnement...tu es certain que...»
« Je te l'ai déjà dis...je n'ai pas massacré ces Ashuras. Pourquoi l'aurais-je fait ? Qu'en aurais-je tiré ? »
« Tu as raison, je suis désolé. J'ai à un moment revu le même être qu'autrefois, celui qui se rapprochait d'un monstre. Mais en deux ans, tu as changé. Tu n'es plus comme avant, tu as réussi à te maîtriser et supprimer tes pulsions. »
Pourtant, il l'avait fait. Mais celui à ses côtés ne le comprendrait pas. Il l'avait fait pour en apprendre plus sur cette Terre qui s'exprimait en lui. Il voulait pouvoir le libérer de cette douleur une fois pour toute. Le protéger de ses démons intérieurs comme il le protégeait des siens.
Il avait été convaincu que les Ashuras avaient des souvenirs qui pouvait l'aider. Après tout, ils savaient tout et stockaient les mémoires de millions d'éternels depuis l'aube des temps. Malheureusement, ses pairs n'avaient rien pu lui apporter. Son Ani'dri imaginait peut être simplement ce qui s'exprimait dans son esprit. Après tout, ils venaient des mêmes parents et pouvaient tout deux avoir hérités d'une certaine folie.
Ah, ils faisaient un beau duo. Le monstre qui prenait plaisir à torturer et détruire pour justifier son existence et le fou qui pensait que la terre s'agitait d'elle même et pleurait.
Il n'y avait pas que cela. Il n'avait jamais supprimé ses pulsions. Juste masquées, enfouies au nom d'un amour. Parfois en cachette, il s'éloignait à bonne distance et ne pouvant plus résister, il s'acharnait sur les créatures qui pouvaient passer sous sa main. Il prenait toujours du plaisir à dispenser de la souffrance, mais ce plaisir était devenu coupable. Une petite lueur dans son esprit n'avait de cesse de le rappeler à l'ordre. Il ne pouvait pas tout gâcher, n'est ce pas ? Pas quand quelqu'un était devenu si important.
« Oui, grâce à toi je suis quelqu'un d'autre. Je n'aurais pas à prendre un nom comme Destruction, Folie, Carnage ou que sais-je...»
Il essayait lui même de croire à ce qu'il venait de dire.
« Je ne sais pas quel nom tu prendras Ani'dri, mais je sais qui je voudrais voir a tes côtés quand tu atteindras ta maturité. Je sais quel âme devrait se lier à la tienne. »
Un petit silence embarrassé suivit.